Ce soir l’honneur m’échoit de me présenter devant vous pour vous partager mon témoignage.
Un témoignage qui vous parle d’un long voyage parsemé de défis, mais aussi de résilience et de détermination.
Un témoignage pour évoquer la revanche contre ce foutus virus.
La fois dernière j’avais commencé mon témoignage en vous racontant que j’étais né en étant un enfant normal, cette fois ci je voudrai rajouter que, j’ai surtout grandi avec plein de rêves.
Des rêves de pouvoir un jour devenir un grand joueur de foot, comme Maradona, c’était le plus envié à mon époque,
Des rêves de devenir un grand athlète, comme Carl Lewis, c’était l’homme le plus rapide du monde à l’époque de mon enfance,
Des rêves de devenir un homme plus chic et plus romantique, comme Richard Gere, c’était mon idole à l’époque de mon adolescence et surtout dans Pretty woman,
Des rêves de vivre des folies, faire des virées dans les montagnes avec les copains, de faire danser des jeunes filles dans des soirées,
Des rêves comme tout enfant normal.
Hélas, finis les rêves, bonjour les affres de la polio,
Elle est une arme destructrice des rêves,
Elle détruit le regard des proches, l’amour des parents et le plus grave encore elle détruit l’amour de soi-même.
Elle détruit l’espoir des tiens, la considération de l’entourage. Plus grave encore, elle te prive des rêves de la jeunesse, de la joie de vivre et de l’envie de ressembler aux autres.
Elle détruit ton adolescence et cette liberté de vivre avec des envies parfois extravagantes.
Elle installe en toi la peur d’aimer, de peur de ne pas être aimé en retour.
Elle dévaste toute ta vie, en te causant des blessures tant physiques que morales.
Elle te ralentit, surtout dans ce monde où la course est devenue un mode de vie
Elle te barricade dans le camp des faibles, des inutiles, des indésirables et parfois des répugnants.
Elle te prive de l’école, et par conséquent de la vie professionnelle, hélas de la vie tout simplement.
Pour les malchanceux et ils sont nombreux chez nous, elle te renvoie dans la rue mendier pour vivre parce que ta famille a perdu toute motivation à te supporter.
Voilà la souffrance de tous les jours pour nous, victimes de la polio, le fardeau porté par les plus faibles, la douleur invisible mais marquée à jamais dans nos cœurs à l’encre indélébile.
Voila pourquoi j’aime pas ce mot. Le mot polio ne dit pas toute cette souffrance qu’on à dû endurer et qui va nous accompagner jusqu’à la fin de notre vie.
Le mot polio ne dit pas les douleurs physiques qu’on aura à affronter pour toute une vie,
Mes chers ami(e)s, la polio a une capacité extraordinaire pour gâcher toute une vie de quelqu’un.
Cependant, elle n’est pas toujours une fatalité, parce que malgré tous ces obstacles, j'ai choisi de ne pas laisser la polio définir qui je suis.
C’était difficile mais résilient, parce qu’elle ne m’a pas empêché de me mettre debout même si c’était difficile et pénible, et d’aller à l’école et d’être brillant sur tout mon parcours scolaire.
Difficile mais résilient, parce qu’elle ne m’a pas empêché d’aborder et de tomber amoureux d’une très belle jeune fille devenue plus tard ma chère tendre épouse et mère de mes deux enfants. Une femme qui a su m’aimer et qui a su m’apporter la confiance qui me manquait très souvent.
Difficile résilience parce qu’elle ne m’a pas empêché d’avoir deux superbes enfants que je chéris plus que tout au monde et qui m’aiment en retour d’un amour incommensurable et inconditionnel. Ils sont ma plus grande réussite.
Elle ne m’a pas empêché d’intégrer des firmes multinationales et d’y occuper des postes à responsabilité.
Elle ne m’empêche plus de rêver, ni de courir.
Elle ne m’empêche plus de voyager, d’être beau, d’être chic, la preuve vous la voyez devant vous chers amis.
Elle ne m’empêche plus de marcher, ni de m’asseoir parmi les grands de ce monde, la preuve c’est vous chère auguste assemblée.
Cette partie de ma vie, je l’appelle la résilience.
Tout ceci n’aurait jamais été possible,
n’eut été le courage de ma mère qui m’inscrira à l’école contre l’avis de beaucoup de gens dans l’entourage qui croyait que c’était une perte de temps.
N’eut été mon frère ainé de 3 ans par rapport à moi, qui accepta de me porter sur son dos sur un parcours de plus de cinq kilomètres qui nous séparait de l’école.
N’eut été les ami(e)s qui ont toujours cru en moi, cru en ce que j’avais de potentiel, et qui m’ont toujours regardé d’un œil amical.
La résilience, c’est se lever le matin, prendre sa cane ou ses béquilles, accepter de mettre son appareil orthopédique malgré les blessures, et de marcher lentement, en titubant et parfois en tombant et en se blessant encore et encore,
La résilience, ce sont aussi les ami(e)s, la famille qui te prennent les bras pour te permettre d’avancer, et qui t’aident à te relever après une chute,
En me levant toujours le matin pour aller travailler, j’écrase ce virus. En me mettant débout malgré les difficultés, j’écrase ce foutu virus.
Participons alors tous à éradiquer définitivement ce virus en contribuant à la vaccination, mais aussi et surtout en aidant les victimes de ce fléau. Il me semble que ce sont eux les oubliés de cette histoire.
Ne les condamnons pas encore une fois de plus, parce que la polio s’en est déjà chargée.
La résilience commence toujours par cette capacité de se mettre debout. Les uns n’y arrivent pas malheureusement faute de soins et de suivi.
C’est pourquoi nous avons mis en place ce projet HAGURUKA que vous voyez sur le roll up pour aider les enfants victimes de la polio et d’autres formes de handicaps à se mettre debout.
Haguruka dans ma langue maternelle veut dire debout.
je vous demanderai alors de nous aider à l’équipement du centre MPR de Mutwenzi qui s’occupe d’une centaine d'enfants polyhandicapés afin de leur permettre à se mettre debout et de marcher vers la vie tout simplement.
Ainsi nous aurons contribué au bonheur de l’humanité.
Merci beaucoup.
Aimé Césaire MPANGAJE